A l’occasion de la journée mondiale de l’hémophilie, le Dr Gentilhomme, biologiste au laboratoire d’analyses médicales du Centre Hospitalier Centre Bretagne, évoque cette maladie rare et détaille les examens biologiques sanguins réalisés pour la diagnostiquer.
Docteur, qu’est-ce que l’hémophilie ?
L’hémophilie, c’est une maladie qui touche la coagulation, la capacité à pouvoir arrêter un saignement, et cela aboutit à un risque hémorragique. C’est une maladie génétique dans la plupart des cas. En fait, il y a des familles d’hémophiles. C’est porté par le chromosome X et la conséquence, c’est qu’uniquement les garçons sont atteints. Cette maladie saute une génération, si bien que si le grand-père est atteint, il est très probable que son petit-fils le soit plus tard également. Les femmes peuvent avoir ce gène touché mais elles ne développent pas la maladie. Elles sont dites « conductrices ».
L’autre cas, plus rare, est l’hémophilie dite « acquise » et s’explique principalement par des maladies immunitaires et hématologiques.
L’hémophilie est une maladie très rare. Il doit exister environ 7000 hommes touchés en France, et à l’échelle du monde, nous devons dénombrer moins de 50 femmes touchées.
Existe-t-il différents types d’hémophilie ?
On distingue surtout deux hémophilies : l’hémophilie de type A et l’hémophilie de type B. Elles aboutissent aux mêmes symptômes.
Il est important de préciser que 13 protéines, appelées « facteurs de coagulation », interviennent dans la coagulation du sang.
L’hémophilie A est liée au déficit d’un des facteurs de coagulation que l’on appelle le facteur 8. Dans le cas de l’hémophilie B, c’est le déficit en facteur 9 qui cause la maladie. Ces deux facteurs ont les mêmes conséquences car, bien que différents, ils interviennent au même moment dans la cascade de coagulation.
Il existe différents niveaux de déficit. La norme pour les facteurs 8 et 9 est entre 70% et 100%. Quand un des facteurs est inférieur à 1%, nous sommes sur une hémophilie majeure, c’est-à-dire que le sang ne coagule quasiment pas. Entre 1 et 5%, c’est une hémophilie modérée avec des conséquences plus tardives et moins intenses. Et puis, il y a les hémophilies mineures, avec lesquelles les patients vont vivre quasiment normalement mais qui peuvent développer des hémorragies dites provoquées, notamment à l’occasion d’actes chirurgicaux. Le diagnostic des hémorragies provoquées chez des patients hémophiles mineurs est tout un enjeu pour un établissement hospitalier.
Comment se détecte l’hémophilie ?
Cela dépend du type d’hémophilie. Plus le déficit est profond, plus les symptômes sont importants et précoces. Une personne hémophile, ce n’est pas une personne qui va saigner « sans fin ».
En effet, nous avons deux types de voies de coagulation : la voie endogène et la voie exogène. Les facteurs 8 et 9 interviennent dans la voie endogène, qui est majoritaire dans les articulations. Les signes cliniques de la maladie vont surtout être des saignements dans les articulations, que l’on appelle l’hémarthrose. L’épanchement de sang dans les articulations va détruire les cartilages.
On repère les hémophiles majeures dès le plus jeune âge, quand ils commencent à marcher. Ils vont avoir des hématomes, des ecchymoses… Pour ces gens-là, on peut l’observer facilement.
Pour l’hémophilie mineure, c’est presque impossible à détecter sans analyse de sang. Notre enjeu, plus spécialement à l’hôpital, c’est de détecter. Cela se fait lors du rendez-vous pré-opératoire, avec l’anesthésiste ou le chirurgien qui va demander un test de coagulation.
Ensuite, au laboratoire d’analyses médicales, nous allons réaliser deux tests qui sont le TP (taux de prothrombine) et le TCA (temps de céphaline activée). L’un explore la voie exogène, l’autre la voie endogène. Si le TP est normal mais que le TCA est allongé, alors seule la voie endogène est touchée. Et c’est à ce moment-là que nous allons plus loin dans les analyses de sang avec un test complémentaire. Notre système d’expertise au laboratoire le fait automatiquement. On réalise en complément un test de confirmation que l’on appelle le TCK (temps de céphaline avec kaolin). Le kaolin est plus sensible aux déficits en facteurs de coagulation.
Si le TCK est allongé, alors on va congeler le plasma et l’envoyer soit à l’hôpital de Vannes si cela concerne un patient au bloc opératoire en urgence, soit à l’hôpital de Lorient, afin de confirmer l’hémophilie.
Est-ce un examen prescrit par le médecin traitant ?
C’est prescrit par l’anesthésiste lors du rendez-vous pré-opératoire, si l’intervention chirurgicale à venir est à risque hémorragique et selon les réponses du patient aux questions de l’anesthésiste. Si le patient a déjà eu des ecchymoses, si une extraction de dent de sagesse a engendré de nombreux saignements… cela va alerter l’anesthésiste, qui va prescrire des analyses de la coagulation du sang.
Nous allons déclencher ces analyses au laboratoire, ici, et selon les premiers résultats, en tant que biologistes, nous allons déterminer si cela nécessite de réaliser un test complémentaire ou non.
Où sont adressés les patients diagnostiqués hémophiles ?
Nous les adressons au CRTH (Centre Régional de Traitement des maladies Hémorragiques), où ils sont suivis. Ils sont alors porteurs d’une carte spécifique qu’ils doivent donner avant chaque intervention chirurgicale.
Les traitements appliqués dans le cadre de l’hémophilie sont des médicaments dérivés du sang car il n’existe pas de traitement de la cause de la maladie. Ces traitements réduisent le déficit du facteur concerné en l’apportant au travers d’un concentré de facteur 8 ou de facteur 9.